Même s’il en fut autrement
La conscience, incapable de fixer l’essence du réel et des événements qui le constituent, s’attarde sur les formes qu’il conviendrait de lui prêter et la place qu’il serait bon de leur attribuer pour qu’ils rejoignent la chaîne sans histoire des raisons d’un discours qui temporise et dans lequel on rabâche ce qui aura bel et bien eu lieu.
L’histoire est cette tentative aveugle de fixer dans le tunnel noir d’un genre ce qui, sous toute vraisemblance, a eu lieu au grand jour, elle n’est en définitive rien d’autre qu’un échec raisonné qui a porté ses fruits: le monde est un monde réduit à la conscience de l’homme.
Mais le filon est fragile, les refrains liturgiques qui accompagnent cette messe ne tiennent plus en respect le réel qui bouillonne. Le monde et nos vies ainsi conçues tiennent à un fil, l’insatisfaction et la frustration guettent. Il est plus que jamais indispensable de raconter ce qui aurait pu être et qu’un concours de circonstances nous a fait manquer, de retrouver en chaque événement, en chaque chose, les autres qu’ils auraient pu être et dont le possible est gros, ... même s’il en fut autrement.
Qu’on soit de la Mecque, de Jérusalem ou de Rome, c’est peut-être la voie douce pour inventer une autre manière de faire l’histoire,... et pour qu’il en soit autrement.
Jean Prod’hom