Fermeture de blog
Elle avait publié sur son blog un petit texte bien senti qui avait déclenché de nombreux commentaires, une avalanche de mots gentils : des remerciements, différents témoignages, des confessions même. Les lecteurs avaient été visiblement touchés, profondément même. Beau moment de partage qui aurait dû la réjouir mais qui la rendit soudain honteuse, traversée par un sentiment analogue à celui qu’elle avait éprouvé autrefois, lorsqu’au nez et à la barbe des habitants du cru elle avait gagné une tarte aux pommes à l’occasion d’un loto organisé par le syndicat d’initiatives d’une petite commune de Lozère dans laquelle elle avait vécu tout un été avec deux amies, elle n’avait d’abord pas osé crier « Carton! ».
Ses lecteurs, ses si sensibles lecteurs avaient relevé les perles de son beau texte, ses bons mots, jolies tournures, clins d’oeil, caresses discrètes. Personne n’avait passé à côté des traits de son esprit torturé et de sa modestie, séduit par les éclairs de son intelligence vive, interpellé par les références qu’elle avait savamment distribuées de droite et de gauche. C’était décidément un texte bien senti par la grâce duquel elle était parvenue à draguer dans le fond de l’âme de chacun de ses lecteurs un assentiment enthousiaste qui dépassait toutes ses espérances.
L’obtenir soudain lui fit voir ses traîtrises, ses compromissions, petites révoltes, petits scandales, petites extases, susceptibilités, abandons, évanouissements, bon sentiments. Elle commença à suffoquer dans ces lieux irrespirables où suintait une douceur qui collait à la peau comme du salpêtre.
Le lendemain c’était dimanche, elle laissa tomber son blog et se rendit à la messe, seule.
.Jean Prod’hom