Procession
lI le projette avec force par-dessus le chemin, par-dessus les aulnes et la viorne, dans les herbes qui bordent la rivière. Il jette un coup d’oeil à gauche puis à droite avant de se faufiler, son corps le suit. Où est tombé le galet? Et l’enfant dans l’herbe folle? Il cherche, s’empare du bel ovale qu’il glisse dans sa poche. Le galet fait le dos rond, il suit l’enfant qui lui serre la main.
Une voix de jadis, buissonnière, accompagne leur course capricieuse sur le dos des talus, le long du ruban liquide qui se déroule dans les mousses et les feuilles mortes. C’est une parabole sur la pente de laquelle l’esprit de l’enfant glisse de clos en clos. Sa main se desserre et le galet luit à nouveau.
Tous trois descendent au village dont on aperçoit le clocher, l’enfant, le galet et la rivière, c’est une foule qui s’en va, sans détour, qui grossit loin de toute demeure et qui sourit gorgée de promesses. Le temps s’enroule autour du petit groupe avant de rouler dans la plaine. Leur insouciance les met à l’abri du pathétique.
Ils n’interrompent pas leur course, filent, rameutent les riverains et vont rejoindre les pluviers et les barges à queue noire du delta.
Resté en arrière, près de la retenue, le silence fait miroiter dans le ciel le souvenir des forces qui vont, les nuages qui viennent.
Jean Prod’hom