La plage des Sabias

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Cher Pierre,
Les goélands, leur nombre, leurs yeux, leurs cris, la tache de sang sur leur bec effraient, j’appuie sur les pédales, le sentier de la pointe du Châtelet au Vieux Château est étroit, des bancs de brume se prennent à la lande.

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Le calme revient au port de la Meule, un retraité lève l’ancre ; la Gazelle repose sur le flanc, plus haut sur l’estran. Je rentre par Saint-Sauveur, l’église est fermée ; sur la place, les exposants mettent à l’abri les étals qu’ils n’ont pas eu le courage de plier hier. Depuis que je suis parti ce matin à 6 heures, plusieurs dizaines de lapins, surpris dans les jardinets des maisons des vacanciers traversent la route en coup de vent et disparaissent dans les ronciers épais ou sur la dune.
Bois un café et mange un pain au chocolat à l’Equateur, il est 8 heures ; les jeunes tenanciers des bars de Port-Joinville préparent leur terrasse, embarqués pour l’heure dans la même histoire ; ils sourient, plaisantent avant de redevenir des rivaux ; les clients sont encore rares, on devine qu’il en ira autrement tout à l’heure ; à l’Equateur le wifi est libre, je relève mon courrier. M’arrête au cimetière en remontant ; avec leur hautes croix blanches, on dirait un port de plaisance bondé, mais ici pas d’accastillage, pas de souplesse, la mer est de terre ; les tombes s’enlisent, quelques-unes se déchaussent, d’autres se brisent ; les vagues sont comme des statues de sel ; des jarres à anse, en plastique bleu, sont suspendues à des crochets en trois endroits du cimetière. Me demande bien ce qu’est venu faire Pacifique Ricolleau dans ce bazar
Oscar devra s’y faire, sanglé de près dans le charriot fixé à l’arrière du vélo de Sandra, surveillé par Louise qui les suit. On se rend au Casino faire quelques course ; je monte à Notre-Dame-du-Port d’où j’entends les grandes orgues s’ajouter aux dunes pour contenir l’océan.
Il y aura du va-et-vient toute la journée entre Port-Joinville, la plage des Sabias et Ker Borny ; il convient en effet, à douze, de s’accorder au plus vite sur la forme de l’île, de fixer quelques amers, se familiariser avec deux ou trois itinéraires, et pour certains, apprivoiser quelques noms propres.
Je crois voir, un peu avant minuit le bout de la préface qui m’a été demandée, je constate à ma stupeur que ce n’en est pas une.

Jean Prod’hom