Les gentils mots d’un vieux bonhomme insociable
Cher Pierre,
L’écriture n’est guère assurée, mais je crois deviner la main qui les a tracés ; au verso la confirmation, il s’agit bel et bien de celle du vieux poète de Grignan. A l’intérieur de l’enveloppe, la photographie d’un enfant au turban jaune – réalisée par Georges Crittin. Derrière, quelques lignes tremblantes.
De gentils mots d’abord, ceux d’un vieux bonhomme insociable qui demande un peu d’indulgence ; mais qui se souvient bien de l'avenue Davel où il habita, il y a des siècles, tout près de Riant-Mont où je suis né et j'ai passé mon enfance. Le nom de Zappelli que j’évoque dans Marges, qui tenait une épicerie entre le Valentin et Riant-Mont, lui rappelle quelque chose. Mais Riant-Mont, c’est d’abord dans sa mémoire le Riant-Mont du colonel Moulin et de ses enfants, Jean-Pierre, Antoinette et Béatrice.
La dernière, morte en 2006, fut une artiste et une brillante journaliste ; j’apprends en consultant l'inventaire sommaire du fonds Béatrice Moulin à Berne, qu'il existe une cote « A5 écrits intimes (carnets, journal intime et agendas) » qui indique en marge ceci :
Cote A-5-1/2
Titre / Description B. Moulin / Riant-Mont 4 / Lausanne / nuits sans fin / janvier 46 / août 47
Dates 1946-01-26/1947-10-15
Collation Cahier aut., num. 150 à 214 de la main de B. M., quelques pages vierges à la fin. (15 x 20,9 cm)
Remarques Deux têtes dessinées sur la deuxième de couverture
Or ce Riant-Mont 4, j'y ai passé des nuits aussi. Sans fin. J'envoie derechef un mot aux archives littéraires suisses à Berne, avant de me coucher et de relire les premiers chapitres des Enfants Tanner.
Jean Prod’hom