Les Grangettes
Cher Pierre,
Sandra et les filles se réveillent à 5 heures 30 pour se rendre à Estavayer où Lili a une compétition. Je les entends à peine lorsqu’elles quittent la maison, bien décidé à rester au lit jusqu’à 8 heures. Arthur dort lorsque je sors. La nuit a fait tomber le mercure et a laissé une fine couche de neige sur le Niremont.
J’apprends par la radio que Bruxelles en état d’urgence se prépare au pire ; de son côté la préfecture de l’Yonne a mis en place un couvre-feu dans le quartier des Champs-Plaisants à Sens, interdisant la circulation piétonne et routière durant ce week-end, de 22 heures à 6 heures lundi matin. Tout va décidément très vite.
J’embarque François au boulevard Arcangier, dans la Nissan que je parque sur les hauts de Territet, avant de zigzaguer sous le soleil jusqu’à l’église et son cimetière. C’est le printemps. On longe le lac jusqu’à Villeneuve, par le clos de Chillon, la centrale de Veytaux et le château. On abandonne le lac à Villeneuve pour traverser la large plaine du Rhône jusqu’à Noville. Un gros nuage noir venu de l’autre bout du lac annonce le pire au-dessus des Evouettes, mais c’est à la chotte qu’il nous rejoint, alors que nous sommes confortablement installés au café des Etoiles où nous mangeons.
Il aura suffi d’un repas pour passer des vendanges aux pneus neige, on décide pourtant de continuer jusqu’au vieux Rhône, un bonnet sur la tête. Landes nues sans personne, quelques cris d’oiseaux, il neige et la nuit tombe. Nous devons revenir sur nos pas pour franchir le canal et rejoindre sa rive droite qui nous mène jusqu’au lac. Une petite heure de marche encore entre les roselières et les arbres que la nuit nous dérobe, sur un étroit tapis détrempé de feuilles mortes que la Grand-Rue de Villeneuve prolonge. Le bus nous ramène à Territet, je dépose François au Boulevard Arcangier, ramasse le sac que Sandra a oublié à Servion et rentre à la maison.
Jean Prod’hom