L'école manque à sa tâche
Cher Pierre,
L'école manque à sa tâche en cherchant à séduire ceux qu’elle accueille, en mettant tout en oeuvre pour qu’ils ne lui échappent pas ; alors qu’elle a pour tâche, précisément, de leur donner les moyens d’en sortir au plus vite ; elle échoue en voulant les amuser, en espérant leur plaire ; en les captivant, elle ne parvient qu’à les rendre captifs.
Elle contrôle entrées et sorties, a mis en place un monde second par la mise en place d’un système de communications perverses : jeux de pseudo-questions et de pseudo-réponses, trompe-l’oeil, cache-cache, bienveillance de ceux qui sont supposés savoir, confusion des rôles, devinettes, pseudo-équité, travail au mètre, exercices venus de nulle part, figures de papier, attentes, dés pipés, terrain miné, malentendus, fabrication d’énoncés factices, allocutaires fantômes, rituels scolastiques.
Alors qu'il serait prioritaire d’apprendre à sortir de son giron, quitter les chemins battus, prendre ses distances avec le convenu, de la hauteur, prêter l'oreille aux besoins ; apprendre à poser des problèmes, dégager des problématiques, se familiariser avec les langages, trouver la personne qui pourrait nous informer, nous aider, celle avec laquelle on pourrait collaborer, celle qu'on ne connaît pas.
L’école vous dira que c’est exactement ce qu’elle fait. Pas vrai. L’école est en réalité faite par et pour les enseignants, ceux qui ont refusé d’en sortir et qui recommencent. L’école a fait ses preuves, disent-ils. Quelles preuves ? On ne tourne pas aisément la page.
Jean Prod’hom