En Marin (Epalinges)

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Il m’arrive de lire comme d’autres naviguent par gros temps sur des mers tumultueuses, inconnues, piquées d’innombrables îles, à la recherche d’une anse qui leur offrirait un abri. Mais la plupart des îles, coupantes comme du verre, tiennent éloignée leur lourde embarcation ; les autres, désertes, sont bien trop hostiles pour qu’ils songent un instant y faire halte et s’y reposer.

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Et pourtant ils cherchent et croisent encore dans les parages, espérant toucher enfin une rive hospitalière, qui leur rappellerait d’anciens séjours et leur promettrait un asile pour établir la carte de ce mystérieux archipel.

Voici d’abord pour la rétrogradation : la création va soudainement du non-être à l’être, le non-être étant son point de départ, et la mort, thaumaturgie inversée, va en une fois de l’être au non-être, le non-être étant son point d’arrivée : c’est donc la direction, c’est le sens de la flèche qui est, dans la mort, interverti ; le processus vital, peu à peu ralenti par le vieillissement, finit par tourner court et rebrousse instantanément chemin vers son origine.

La mort, disions-nous, n’est pas de même signe ni de même sens que la plénitude positive des expériences vécues, mais est de signe et de sens inverses. Aussi ne sert-elle pas à faire comprendre cette plénitude, mais bientôt à la faire mécomprendre.


Je me fais à cette lecture de La Mort de Vladimir Jankélévitch, passe une grosse heure et demie sur le parking de l’école, crayon en main, griffé, pincé, secoué par les chicanes du philosophe ; je fais miens quelques passages que je souligne en marge, et qui deviennent comme des comptoirs où je reconnais quelques intuitions qui ne me sont pas étrangères, avec le sentiment que le sage n’aurait pas repoussé ma coque de noix et ne se serait pas moqué de mon ignorance qui tient bon.

Jean Prod’hom