Abandon des terres basses
Dans les faubourgs parallèles
aux canaux rectilignes
les maisons mal bâties
de base rectangulaire
deux étages pas plus sur pilotis
étaient vouées à l’abandon
la foule ne levait plus les yeux
vers le va-et-vient
des aigles dans le ciel
des cygnes dans l’étang
elle se maintenait à peine
vivante au-dedans d’elle
celui qui s’en serait approché
aurait distingué
les minuscules vies secrètes
forcloses
dans les cours intérieures
car il suffit parfois de suivre
quelques traces
les empreintes soufflées par le vent
les impressions laissées par des témoins
pour que les folles rumeurs
se réveillent
transpirent des huttes abandonnées
toits de roseaux mélangés à la terre
des cris
des rires
des souvenirs
mais rien à acheter rien à vendre
la foule migra
suivie de près
par les dignitaires de l’île
fuyant les quartiers luxueux
du front de mer
rongés par la malaria
la foule ouvrit de place en place
des échoppes
à l’arrivée des riches exilés
à l’évidence
le bourdonnement des activités urbaines
les ravit
et dans des ateliers
sis autour du vieil arsenal
qu’on appelle encore
le collège des Âges
l’activité des plumassiers
les cris colorés des joailliers
le soin des orfèvres
le noble entretien des lieux
soulevaient haut
les rues de la vieille ville
recouvertes de paille et d’herbe
plus de places disponibles
nulle monotonie à tout cela
l’île flottait sur la mer
comme au temps des origines
mais là-haut se dressait la ville nouvelle
pour longtemps encore
sans doute
Jean Prod’hom