Aletsch

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Aletsch, lente poussée d'une masse sèche qu'il est à coup sûr déraisonnable de vouloir rapporter ou mesurer à notre temps - on ne l'a que trop fait -, à moins que nous disposions d'un de ces morbiers oubliés dans une fermette en ruine du côté de L'Auberson.

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J'aurais voulu plutôt, si les moyens m'en avaient été donnés, noter la lourdeur de cette bête, large et résolue, sur une portée qui aurait été au diapason du grondement des torrents qui tressent leurs rubans en bordure de sa langue ; une lourdeur qui abrase la pierre et les ans, une langue qui avance sans bouger, nonchalante, sans parade, pousse et dort à la fois.
Je ne noterai en définitive que le vent froid qui la tient éveillée, l'eau qui rigole sur son miroir.
Et ceci : on comprend mieux en pratiquant la bête, de loin et de près, l'allure primesautière des ruisseaux qui déroulent leurs caprices au large de nos maisons, en tenant embrassés, tendus, leur commencement et leur fin. Et on se réjouit que nos enfants leur ressemblent.
Il est, je crois, très utile de faire une retraite sur Aletsch, de surfer sur ce radeau qui file la meilleure pente ; elle aura à coup sûr la vertu pédagogique de ramener chacune de nos agitations à des crispations et chacune de nos vanités à de l'écume.

Jean Prod’hom