Génie helvétique (Chalet des Enfants)
Coup double.
D’abord ceci : Madame la Municipale m'a remis le cahier des charges pour la rédaction de la brochure communale à l’attention des candidats à la naturalisation. Je m'étais montré intéressé lors de l'apéritif servi à l’occasion de l'inauguration des nouveaux bâtiments scolaires. Elle m’a relancé l’autre jour, j'ai accepté tout à l’heure : les élèves de 10P concevront et réaliseront la brochure qui sera donnée aux candidats à la naturalisation : institutions (démocratie, fédéralisme, Etat de droit, la Suisse dans son environnement international), histoire (fondation et extension, domination bernoise, grandes dates) géographie (Suisse, cantons, canton de Vaud, démographie, régions naturelles, bassins fluviaux, lacs, langues), commune (autorités, population, alentours, sociétés locales) et actualité.
Qu'une commune fasse confiance en ses propres enfants pour un tel travail me ravit. Ce sont eux en effet les plus aptes à faire entendre ce qu'ils sont en train de découvrir : le milieu dans lequel ils sont nés et vivent, objet complexe s’il en est, en usant d’outils que l'école sépare artificiellement. Avec pour objectif, celui de réduire le génie helvétique en une trentaine de pages.
Second miracle ensuite : une dizaine d'élèves, après plusieurs semaines de palabres et d'errances, ont rédigé entre deux et trois la première version d'une initiative fédérale qu'ils vont déposer et défendre en novembre prochain à Berne.
Elle vise à donner une réponse à la peur qu’ils éprouvent devant l’étranger, et plus largement face celui qu’ils ne connaissent pas. Selon deux directions : la première, finalement abandonnée, visait à multiplier les contrôles aux carrefours et à surveiller les allées et venues de chacun pour mettre dans la foulée la main sur l’assassin ou le pédophile, et lui infliger la peine qu’il mérite. Avec la conviction que les sanctions encourues feraient hésiter puis renoncer ceux qui sont sur le point de désobéir.
La seconde direction, finalement retenue, remonte aux sources ; elle vise à combattre la peur en offrant à chacun l’occasion de s’approcher de celui qu’il ne connaît pas, en aménageant des lieux pour accueillir l’un et l’autre, en imaginant des activités qui favoriseraient les échanges. Mouvement d’intégration donc. Mais les élèves se sont rendu compte que si la mise à disposition de ces lieux, l'organisation de ces fêtes, l'encadrement de ces manifestations, entraînaient des coûts, ils pouvaient être en même temps à l’origine d’économies importantes dans le domaine social – qu’ils sont bien en peine de chiffrer. Ils ont compris également qu'il serait contrindiqué d'obliger quiconque à entreprendre de telles actions, qu’il serait au contraire préférable d'encourager et d'aider ceux qui voudraient s’y engager ; c’est le rôle de la Confédération. Aux cantons, aux communes, aux institutions le soin de prendre des initiatives et de mettre en oeuvre leurs projets.
Voici en primeur la première version du texte de cet article 42, que les élèves proposent d’ajouter à la Constitution fédérale de la Confédération suisse :
Titre 2 Droits fondamentaux, citoyenneté
et buts sociaux
Chapitre 3 Buts sociaux
Art 42
La Confédération encourage et subventionne les projets des cantons et des communes favorisant l’intégration sociale de tous.
Des semaines de travail, de discussions, de tensions, d’engueulades, d’incompréhension. Au bout une seule phrase qui danse, aussi belle et profonde que le plus beau des poèmes. Je crois bien que ces chenapans ont touché cet après-midi, par je ne sais quelle grâce, au génie helvétique.
Jean Prod’hom