On est tous les dix sur la placette
On est tous les dix sur la placette du village de Rougemont, Elisabeth et Didier nous ont rejoints pour la journée, on attend.
Je crois utile de me renseigner auprès d'un vieil homme qui semble connaître le coin, il attend lui aussi. C'est un ancien journaliste de Paris Match, responsable des chroniques touristiques, il a fondé une petite entreprise, un journal dont j'ai oublié le nom et dont il s'est occupé jusqu'au moment de sa retraite. Il s'est créé un réseau dont il peut aujourd'hui profiter. Mais c'est à Rougemont qu'il revient toujours et où il passe chaque année quelques semaines. Il aime cet endroit à l'abri de l'agitation, dans un pays qui va son bonhomme de chemin, avec habileté. Il m'avertit pourtant qu'en rachetant massivement des euros pour maintenir son franc compétitif, la Suisse pourrait se mordre les doigts, la facture devenir toujours plus salée, il s'enflamme. Je ne sais pas trop bien ce que je peux faire dans l'immédiat pour régler les affaires du monde et le réconforter. Pour l'heure il me conseille de laisser tomber ces affaires et d'emprunter le chemin du bas, celui qui longe la Sarine, à l'ombre des érables, des foyards, des épicéas qui la bordent. Quoi qu'il en soit, conclut le Parisien avant qu'on ne se quitte, ce sont les femmes qui décident, je garde le sourire.
Je suis avec des gens qui aiment le grand air, on décide de prendre par le haut. La route qui traverse le village, un village cossu qui s'étend au nord-est, devient un chemin puis un sentier qui, après le goulet du Vanel et le lieu-dit des Allamans, s'élève trois cents mètres au-dessus de la Sarine, jusqu'au sommet du Mangelsquet. Inutile de se demander quelle langue on y parle, il n'y a personne. Pique-nique et parlote avant de plonger sur Saanen. On fait les morts dans la pelouse qui entoure l'église. J'en profite pour faire un petit saut dans le cimetière et faire mes emplettes, des arrosoirs dans tous les coins, j'en reviens les mains pleines.
Didier nous quittent à la fin de la soirée.
Jean Prod’hom