Fin mai



Arrivée au sommet de la butte elle s’assit sur une vieille souche de foyard, retira le foulard jaune qui ceignait sa tête et rejeta ses cheveux en arrière, comme elles le font toutes.
Le cabanon n’était plus qu’un tas de cendres froides, les sacs d’ordures jonchaient le sol, l’eau ne coulait plus dans la fontaine. Restait à quelques mètres, indemne, le banc vert sur lequel plus personne ne prendrait place. Le silence était noir, les odeurs froides et humides.
Elle quitta son banc de fortune et s’avança, elle souriait. En bas la butte elle ne s’arrêta pas près des décombres, elle contourna la propriété sans jeter le moindre coup d’oeil aux pièces éparses d’un puzzle en ruines. Elle rejoignit les maigres berges de la rivière qui serpentait parmi les herbes folles, s’engagea sur la sente à peine visible qui longeait la rive gauche. Je la vis sourire deux fois encore, à la vue des iris d’eau et lorsque la brise se leva. Je la perdis de vue ensuite, pas toute cependant puisque j’aperçus longtemps encore après le foulard qu’elle tenait dans la main droite et avec lequel elle traçait de mystérieux caractères au travers de l’or-de-blé de la prairie et le vert-de-gris de la rivière. Si vous l’aviez vu sourire.

Jean Prod’hom