Salle 107 (Mont-sur-Lausanne)
D’être aujourd’hui ici, avec eux, seuls ou par deux, est le produit d’un concours de circonstances qui n’en finit pas, mais aussi de l’obstination des plus convaincus. C’est grâce à leurs dons de voyance que nous usons, presque tous, de l’écriture et de la lecture, sans lesquelles nous serions encore enchaînés à l’immédiat, inaptes à goûter de la liberté seconde, éclairée, éclairante, qui nous a rendus aptes à suspendre, à différer nos actes et nos jugements à l’emporte-pièce.
Beaucoup d’entre nous ont oublié cette genèse, ou ne l’imaginent qu’à peine, s’assoient chaque matin en traînant les pieds, avançant pour leur défense qu’il en sera ainsi aussi longtemps que l’obligation institutionnelle bâillonnera leur liberté première.
Un retour à l’immédiateté de seconde génération menace, susceptible de ramener l’espèce au rang des bêtes que nous avons été, analphabètes, livrés à la violence dont nous croyions nous être écartés pour toujours et qu’on voit poindre à nouveau. Il conviendrait donc, à côté des contenus colportés par les livres et par ceux qui sont supposés savoir, de faire voir et entendre ce qui les a rendus possibles, ce mystérieux retrait et ce sursis que nous ont apportés l’écriture solitaire et la lecture silencieuse.
Jean Prod’hom