E-banking à l'école
Dès la rentrée scolaire 2013, il sera demandé aux enseignants du canton de Vaud d’utiliser une application accessible depuis Internet permettant de gérer des données confidentielles. Ce logiciel, baptisé NEO (Notes pour l’Enseignement Obligatoire), devrait donc permettre à l’école de faciliter certaines de ses tâches en les centralisant, le transfert et le stockage des notes par exemple. Pour le reste on se perd en conjectures.
On peut toutefois indiquer la conséquence majeure d’une telle entreprise, la multiplication des précautions et des contrôles d’accès. C’est fait; on avertit en effet les usagers que l’accès à cette application et à certaines de ses données nécessitera une identification dite « forte », c’est-à-dire identique à celle proposée lors de l’ « e-banking ». Il faudra donc non seulement que les usagers montrent patte blanche en inscrivant leur prénom, leur nom et un mot de passe, mais il leur faudra encore fournir une troisième information provenant d’une carte matricielle distribuée annuellement ou de codes aléatoires transmis par téléphone portable.
On se demande bien s’il est judicieux, sachant la tourmente dans laquelle se trouvent les banques depuis quelque temps, de vouloir calquer ses actes sur un modèle qui a mis sous cadenas des bombes. A vouloir mettre sous clef des données dites confidentielles, on atteint dans des domaines qui ne le méritent pas, ou méritent bien autre chose, le comble de l’opacité.
Dans quelle mesure les notes scolaires devraient-elles être considérées comme confidentielles ? Parce qu’on doute de leur pertinence ? Parce qu’elles constituent de véritables agressions symboliques ? de petits crimes contre l’humanité ?
Après l’ère du soupçon celle du secret. Nous voici résolument entrés dans celle de la confidence. Pas sûr que nous y gagnions au change.
- Qui es-tu ?
- Personne.
Oh ! les beau jours des identifications faibles !
Les confidences entrées dans des systèmes à identification forte, tôt ou tard y sont captives, tôt ou tard en ressortent, explosent par manque de place.
Les systèmes à données confidentielles doivent être nourris. Lorsqu’un champ est épuisé, il suffit de recycler de vieilles jachères et de rendre confidentiels le trèfle et le mouron.
Un jour, bientôt peut-être, toute parole – information, idiotie, argument – sera traitée du point de vue juridique comme une donnée confidentielle.
Pour terminer ceci : dans le livre d’histoire que l’école remet aux petits Vaudois, on lit à propos de Rodolphe de Habsbourg les lignes suivantes :
La première tâche qu’il entreprit fut d’éliminer un obstacle de taille qui avait pour nom Ottokar, roi de Bohême (…) Après sa victoire sur Ottokar, ses amis le poussèrent à faire le voyage de Rome pour recevoir du pape la couronne impériale (…) Il refusa. La réponse qu’il aurait faite à ces sollicitations donne à penser qu’il redoutait d’être l’otage du pape.
« Un jour, expliqua-t-il, quatre animaux furent invités à se rendre dans une caverne, sur une montagne. Tous firent comme on le leur avait dit. Seul le renard voulut vérifier si tous pouvaient ressortir de cette caverne. Aucun ne revint. Alors le renard prudent, n’y entra point ». (…)
Les autorités avertissent donc les petits dont elle a la charge de surveiller l’usage des boîtes noires dans lesquelles on entre mais dont on ne ressort pas. C’est bien, l’éthique est sauve.
Jean Prod’hom